De celui qui ne rentrait pas dans le moule

Mon fils adoré,

Mon amour,

Mon tout petit bébé né il y a maintenant 5 ans, et qui grandit si vite, bien trop vite.

Je me souviens ta peau contre la mienne alors que tu venais de naître, et combien j’étais interloquée par cette chaleur qui émanait de ton corps déjà si beau.

 

Tu sais, quand j’étais enceinte, j’avais souvent peur. Quel bébé allais-je accueillir ? Serait-il en bonne santé ? Serait-il beau ? Serait-il « normal » ?

Et tu es arrivé, et la vie a répondu à toutes les attentes que pourraient avoir des parents.

 

Mon fils,

Tu es magnifique, et tes yeux sont les plus beau du monde !

Tu es joyeux, et ton rire emplit mon cœur !

Tu es intelligent, et ta vivacité d’esprit me laisse sans voix !

Tu es doux, et tes câlins sont la meilleure chose qui existe au monde !

Tu es autonome, et la vie avec toi est belle !

 

Mon fils,

Quand l’heure d’aller à l’école a sonné, je me suis un peu rongé les sangs. Je confiais la chair de ma chair à des inconnu(e)s. Mon tout petit bébé, dans ce vaste monde, parfois tellement à l’opposé de tout ce que j’essaie de t’inculquer et de t’apporter chaque jour…

J’ai pris sur moi, même si j’ai pleuré, ce premier jour. Et ça a été.

Tu es devenu un élève. Gentil, calme, peut-être un peu trop, attentif, et intelligent. Trop intelligent.

 

Mon fils,

Tu es l’enfant que toutes les mères rêveraient d’avoir.

Tu es l’enfant que tous les pères rêveraient d’avoir.

Tu es l’élève que tou(te)s les professeur(e)s rêveraient d’avoir.

Et pourtant.

 

Mon fils, sache-le, tu es parfait.

Tu es absolument parfait.

Le problème ce n’est pas toi.

Le problème c’est le système.

Et je suis tellement en colère. De devoir me battre et revendiquer alors que tu es l’élève que tout le monde rêverait d’avoir.

Sauf que tu veux apprendre plus.

Sauf que tu ne rentres pas dans le moule.

Et que même quand on est un enfant beau, et calme, et intelligent, et qui ne demande qu’à apprendre, quand on ne rentre pas dans le moule, alors…

 

Et je culpabilise tellement. Je pense à tous ces parents qui n’ont pas eu notre chance, à ton papa et à moi. Celle de vous accueillir, ton frère et toi, si parfaits. Je pleure et je me ronge les sangs alors que vous êtes parfaits.

Sauf que tu ne rentres pas tout à fait dans le moule.

 

Pardon, si, tu t’y glisses, tu t’adaptes, tu te suradaptes.

Mais je refuse de te voir malheureux.

Je refuse de te voir pleurer le matin et le soir parce que le temps te semble long.

Je refuse de devoir compenser comme je peux, jusque tard dans la nuit, les manques de la journée.

Je refuse de te voir détester l’école parce que tu n’y trouves pas ce que tu voudrais y trouver.

 

Tu sais mon fils, depuis ta naissance je suis entrée dans un monde que je ne connaissais pas. J’ai découvert bien des choses. Je suis devenue cette maman. Celle qui explique aux autres comment fonctionne son enfant. Celle qui explique à son enfant plus qu’elle ne se fâche. Celle qui peut paraître bien laxiste auprès des gens dont je faisais partie avant d’avoir des enfants.

Chaque jour coûte que coûte j’essaie de te permettre de t’élever. Dans la bienveillance, dans l’amour et dans la confiance.

 

Alors je refuse que, parce que « c’est comme ça », que le système te brise.

Parce que tu es parfait, et que c’est le système qui est pourri.

 

Je suis tellement en colère, et fatiguée, et inquiète.

Mais pas à cause de toi, parce que toi, tu es parfait.

 

 

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